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20/01/2010

The end of the world


Il la regardait depuis un moment, probablement son visage lui rappelait la photo qui jaunissait dans son portefeuille. Elle n'avait rien de particulier, une jeune femme en robe noire toute simple.

Mais elle lui ressemblait.

Il reprit le cours de ses pensées. Il y avait des fleurs dans la pièce, tout du long du mur, sur un vieux buffet bas. Des vases, des soliflores, des coupes tarabiscotées, le tout envahis de fleurs. Elle les arrangeait sans recherche, juste avec la volonté d'avoir le plus de couleurs possible. De temps en temps, elle rabattait une mèche de ses cheveux bruns, essuyait de la main une goutte de transpiration qui venait mourir sur son front. Elle lui tournait le dos, mais se retournait souvent vers lui, d'un sourire. Pour quémander son avis ? Vérifier qu'il était encore là ? Ou juste pour le regarder.

Je l'aime, se dit-il. Une boule se formait dans son ventre à cette idée.

Elle le regardait à nouveau, toujours sans parler, juste ce sourire qui lui vrillait le cœur.

Il s'approcha d'elle et lui entoura la taille de ses bras. Elle continuait de disposer ses fleurs, lui déposant juste un baiser sur la joue.

Cet instant semblait durer une éternité : il la serrait contre lui, ses mains à elle caressant la tige des fleurs, le col des vases, une moue interrogative sur sa bouche. Il la voulait, la désirait, la réclamait. Il ne s'agissait plus d'amour ou de sexe, ça devenait vital. Il se serra plus fort contre elle, posant sa tête au creux de son épaule, un peu effrayé, mais par quoi ?

Il perd la mire de sa vie, tout tourbillonne dans sa tête. Il ne sait plus que parler à elle, à ses yeux qui le soignent. Elle seule brille  comme un astre solitaire dans sa nuit.

The moving waters at their priestlike task

Of pure ablution round earth's human shores,

Or gazing on the new soft-fallen mask

Of snow upon the mountains and the moors ;

No -- yet still stedfast, still unchangeable,

Pillow'd upon my fair love's ripening breast,

To feel for ever its soft swell and fall,

Awake for ever in a sweet unrest,

Still, still to hear her tender-taken breath,

And so live ever -- or else swoon to death.


Etoile éclatante, puissais-je comme toi être figé -

Non pas dans une solitaire splendeur suspendue au dessus de la nuit,

Et guettant, éternellement séparé par des couvercles,

Tel un malade de la nature, un ermite sans sommeil,

Les eaux mouvantes toutes entières à leur prêche

Pour purifier par leur pure ablution les rives humaines tout autour de la terre,

Ou fixant le masque nouvellement et doucement tombé de la neige

Sur les montagnes et les landes;

Non - pas encore totalement figé, encore immuable,

Pelotonné sur la poitrine mûre de mon bel amour,

Pour ressentir à jamais son suave parfum et son automne,

À jamais éveillé en une douce agitation,

Immobile, immobile pour entendre son souffle arraché à la tendresse

Et ainsi vivre pour toujours - ou sinon me pâmer dans la mort.


Ce poème de Keats qu'elle lui racontait au début, lui revenait en tête. Elle ne récitait pas, elle lui racontait, comme une histoire passée qui ne demandait qu'à revivre. Il était cet ermite sans sommeil, perdue dans le désert. Il courrait en vain vers n'importe quoi, cherchant juste à sentir son cœur battre de plus en plus fort, preuve qu'il n'était pas vraiment mort. Elle brillait dans sa nuit comme une chance, le signal qu'il était temps de reprendre son souffle, de respirer doucement.

La voix de Nancy Sinatra envahit la pièce

Elle se retourna soudain :

-J'ai terminé. C'est n'importe quoi ce champs de fleurs, mais je l'aime comme ça. Et toi ?

-Il est bordélique, comme toi.

Elle redevenait réelle, une femme comme les autres. Non. Mieux, plus simple à comprendre, plus légère, et si grave parfois dans son regard.

Il lui prit la main pour la conduire au milieu de la pièce. La voix de Nancy les berçait. Il repensa encore à cette photo jaunie, qui dormait dans son portefeuille. Ce soir, enfin, il pourrait la regarder pour la dernière fois

 

14:10 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | |  Facebook |

18/01/2010

Femme de ménage


L'eau s'écoule dans l'évier. Je ne pense pas à grand-chose. Je suis debout, en mode automatique, à faire cette vaisselle. La télévision en fond sonore, je n'écoute pas, mais le bruit fait une présence.

La lettre est toujours sur la table. Je l'ai lu, mais elle n'est pas réelle encore, pas vraiment.

Tu apparais au milieu des bulles de savon, un visage tranquille, calme, indifférent presque.

Je ne te verrais plus que là désormais.

Et puis ce ménage à faire, ça demande du temps, de la concentration...Ramasser les vêtements, les objets cassés, les coussins crevés.

Ta valise est là, ouverte, il faut que je range tes affaires. Bien propre et repassé, tout sera bien rangé.

Le plus difficile à nettoyer ce sera le sang. Il y en a partout. Je ne pensais pas qu'il pouvait y en avoir autant qui se déverse. Et ton visage, ton visage n'est plus serein. Tu a l'air triste et déçu, un peu étonné.

Je m'essuie les mains, et ensuite je verrais par quoi commencer. Je crois que tu es triste dans le fond. Peut-être te rends-tu compte à quel point je t'aimais : c'est toi qui m'a déçu. Pouvais-je faire autre chose que tirer ? Comment aurais-tu compris mon attachement à toi, mon besoin de toi.

Tu penses que je fais des déclarations inconsistantes ? Que ce ne sont que des mots ? Non, je ne pouvais vivre sans toi, et vivre sans toi à quoi ça sert ?

Toi, tu n'aurais pas supporté si mes mots n'avaient été que des mots. Tu le vois maintenant que je ne voulais que toi. C'est logique, je te le prouve. Mais tu es mort triste et déçu.

Dans le fond tu ne comprends jamais rien.

 

13:38 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | |  Facebook |

15/01/2010

Roman de gare

 

J'ai le cœur en compote, écrasé, ou déchiré, je ne sais plus, recousu et puis non encore arraché et te voilà parti.

Alors je suis insupportable et tu ne me supportes plus, mais moi comment je vais supporter de vivre sans toi ?

Je ne suis qu'une pauvre idiote de 16 ans, bientôt 30 ans qui continue de fantasmer sa future vie d'adulte dans le RER B, changement à Châtelet les halles, RER A direction La Défense.

Comment voulez vous que je sois raisonnable, que je réfléchisse à la vie, la réalité et mes impôts, et mon ambition professionnelle, je n'ai pas le temps, je courre sans cesse d'un couloir à l'autre, et puis je m'arrête essoufflée, le temps de penser à rien qu'à mon tram, arrêt parc de st Cloud. Et puis je cours encore, et je m'arrête essoufflée le temps d'attendre pour être en retard quand même : et puis me faire engueuler et avoir une raison de plus de haïr cet idiot, qui se croit manager, et qui n'est que garde chiourme, spécialiste es Excel du tableau qui sert à rien qu'à montrer qui est plus en retard que toi, qui travaille plus que toi pour gagner une raison supplémentaire de travailler .

Moi je m'en fous, j'ai le cœur déchiré, pourtant j'ai fait gaffe à tout bien recoller la dernière fois, comme il dit Voulzy, de la colle pour tu partes jamais, et t'es partis. Je t'ai dit des mots bleus, mais c'est ton amour pour moi qui s'est démodé, et tu me dis que les mots ne sont rien, et moi je te dis que les mots sont tout. Je le sais, je l'ai lu dans Belle du Seigneur, mais toi tu es passé direct à la case déception sans trop te perdre dans mon adoration.

Je m'arrête et je cours et j'arrive essoufflée à la porte, mon passe ouvre la porte de l'Enfer ; non j'rigole, c'est juste le purgatoire, l'Enfer c'est pas aussi ringard que ces bureaux d'assurance, open space qui te ligote aux autres.

Je rêve de fantaisie, de princesse Aurore, de lutins et de dragons, des elfes bondissants (quoi ça bondit pas des Elfes ?) des elfes aux chapeaux verts, aux oreilles pointus, avec des grands yeux ouvert de Manga, des yeux à faire pleurer les vôtre ; si brillant, tellement plein de promesse, les yeux que je voudrais à la place des miens. Je rêve et je suis cette princesse, une pluie d'étoile sur moi, et toi qui viens me sauver de la médiocrité du monde.

Rien ne se passe. Le train est là.

 

 

21:29 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | |  Facebook |