Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/11/2010

L'Attente

Elle se promène le nez en l’air. Il fait beau, elle sourit au ciel, la bonne humeur se lit sur son visage. Le pas vif, elle semble presser de rejoindre quelqu’un ou quelque chose. Elle s’arrête soudain, et revient sur ses pas. Elle semble se rappeler quelque chose, un oubli à réparer.

La jeune femme se retrouve devant la vitrine d’un fleuriste. A peine rentrée, elle balaie du regard la boutique.

Le vendeur s’avance vers elle, prêt à lui proposer ses services. Elle l’arrête d’un mot : « Des pivoines ! Vous n’avez pas de pivoines ? »

« Pas encore mademoiselle, mais je peux vous proposer autre chose, si vous voulez bien jeter un œil avec moi ? »

Coupant court à l’enthousiasme du fleuriste, la jeune femme désigne du doigt une variété de roses blanches, touffues, presque mousseuses. Le vendeur la félicite de son choix et continue son bavardage tandis qu’il prépare les fleurs.

Une fois le bouquet de roses prêt, la jeune femme s’éclipse, plus pressée que jamais.

Elle accélère le pas à nouveau, le bouquet serré contre son cœur.

Arrivée chez elle, elle commence par déployer le bouquet dans un immense vase de cristal.

Chacun de ses gestes révèle une drôle de hâte…

La jeune femme, appelons-là Louise, murmure une chanson ; le geste sûr, elle arrange les fleurs, puis se recule pour admirer le résultat.

« Parfait, la suite maintenant. »

La suite, c’est la table du salon qui attend d’être mise. Toujours aussi rapide, mais sans gestes brusques, Louise compose une table qu’elle a imaginé si longtemps. Si longtemps qu’elle attend cette première soirée avec lui. Une drôle de relation, un peu surannée. Lui, qui s’est fait charmant acteur d’une cour à l’ancienne, elle qui s’est mis à adorer sa délicatesse, sa patience, sa volonté de bien faire, pour atteindre à une certaine perfection.

Gabriel… Même son prénom chantait à son oreille…

La cuisine sentait bon, tout était prêt : uniquement des plats simples, frais, légers. Ouvrant le frigidaire, elle en sortit une papaye. Elle ne savait pas choisir ce genre de fruits, alors elle avait demandé aux marchand de bien vouloir l’aider. C’était amusant pour elle de le voir renifler les fruits un par un, les palper, les soupeser, avant de choisir le fruit ultime, qui saurait satisfaire son convive du soir. La papaye irait rejoindre d’autres fruits moins exotiques, pour une salade qu’elle espérait délicieuse, même s’il s’agissait d’un dessert plutôt simple.

Mais après tout, il était bien question de simplicité et d’évidence pour cette soirée. Non pas que la rencontre avec Gabriel soit une chose informelle, mais Louise ne voulait pas sembler trop romantique, ni trop détachée. Un équilibre fragile… Cette soirée c’est juste le petit point d’ancrage parfait qu’il fallait pour poursuivre leur vie à tous deux.

La suite encore, c’était une robe qui l’attendait sur son lit. La robe parfaite. Ecrue, simple mais bien coupée.

« Oh ma pauvre, que tu trembles…ce n’est rien pourtant, rien que la suite logique, tout ira bien. » Elle cherchait à se rassurer, mais assise devant son miroir, pour se maquiller un peu, elle tremblait encore.

« Tu trembles, ma pauvre, comme si tu avais seize ans, tu trembles pour un homme que tu connais pourtant déjà si bien… » En se regardant dans ce miroir, Louise ne voyait plus rien qu’une sorte d’anamorphose. Son regard troublé était comme un appareil photographique qui n’arrivait plus à faire une mise au point correcte. Il était temps de se calmer. Louise se ressaisit, fixa son regard dans le miroir, avant de terminer, tant bien que mal, le léger maquillage de ses yeux.

Tout à sa hâte d’en finir avec les préparatifs de sa soirée, Louise buta sur un catalogue de jouets, tombé de la corbeille du bureau certainement. Elle le ramassa, en même temps que la sonnerie de l’entrée retentit.

Voilà, c’est lui.

Il se fit comme une étincelle dans son cœur. Le voir, enfin, après si longtemps.

Les deux amoureux se firent face, presque gênés. Gênés parce qu’ils savaient ce qu’ils étaient l’un pour l’autre : tout, absolument tout, l’essentiel et plus encore. De manière incongrue, ils se tendirent la main. Gabriel prit la main de Louise, et la garda ainsi dans la sienne ; il était impossible pour les deux de faire quelque autre geste pour l’instant.

« Bonsoir » Un seul mot échangé, mais il contenait tout un avenir encore à formuler. Louise n’arrivait pas à parler : il lui semblait impossible de rompre ce silence enchanteur, qui les enveloppait, comme une protection divine. Il faudrait bien parler pourtant… Une image curieuse lui vint à l’esprit : elle se dit qu’il manquait au moment comme un code, une sorte de captcha connu  de eux-seuls, qu’il suffirait de prononcer, pour que la suite se déroule, fluide et évidente.

Un mot, juste un seul. Gabriel tenait toujours fermement la main de Louise. Il ramena celle-ci vers lui, dans un geste sûr et tendre à la fois. Une musique se faisait entendre du salon, un air de Tchaïkovski qu’elle aimait particulièrement.

Gabriel tenait Louise contre son épaule, lui murmurant juste à l’oreille les mots qu’elle crevait presque d’entendre enfin de lui. Des mots qui venaient calmer la fatrasie habituelle de son cerveau.

Doucement, il la serrait toujours, leurs corps dansant à peine une chorégraphie esquissée.

Tout se passera bien.

 

Ceci est ma participation au jeu d'écriture de Livvy.

Mots à placer : romantique, bouquet de roses, cœur, catalogue de jouets, chorégraphie, informelle, papaye, fatrasie, renifler, frigidaire, captcha, anamorphose, étincelle.

hist.jpg


00:05 Écrit par Océane dans Jeux d'écriture | Lien permanent | Commentaires (15) | |  Facebook |