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21/01/2022

Hapax

Cher G.

Hier soir, je me suis endormie sous l’olivier du jardin. J’y ai passé l’après-midi entière, à penser à toi. En fait non, je mens.  J’ai pensé si peu à toi hier. C’est que j’essaie de guérir, si tu savais… Tu le sais.  Tu es loin, encore. Toujours. Je me contente parfois de tracer la première lettre de ton nom, sur ces carnets bleu marine que tu aimes tant. Que j’aime parce qu’ils sont une image de toi.

Hier soir, je me suis réveillée sous l’olivier du jardin. J’ai regardé cette lettre G gravée sur le tronc, par une main enfantine. La mienne, moi qui ne suis plus une enfant, que par cet amour qui me porte vers toi.  Autour de moi il y avait les livres, les journaux, quelques carnets et stylos, tout ce que j’avais préparé pour tenter de penser à autre chose que toi. J’y réussi bien, je crois. Il y a des moments entiers maintenant où mon esprit t’efface. Applaudiras-tu à ces progrès ? A voir tout ces magazines qui jonchaient le sol, je me suis dit qu’il vaudrait mieux que je résilie quelques abonnements, certaines revues ne sont là que par une sorte d’obsession de tout lire et tout voir. Je n’essaie pas de remplacer une obsession par une autre, tu n’es pas une obsession mais une évidence…. A force de répéter ce mot, obsession, tu vas finir par me croire folle… Et ce ne serait qu’un doux euphémisme. Je ne suis pas folle pourtant : cette phrase porte en elle toute sa contradiction. Ma contradiction à moi, c’est toi. Je m’obstine. Je réfléchis, fais le tour de ma vie, de mes sensations, de mes sentiments, et que reste-t-il à chaque fois ? Toi. Je recommence alors, espérant un changement dans le résultat,  réfléchissant à m’en donner des migraines, mais rien n’y fait.

Hier soir, avant de m’endormir sous l’olivier du jardin,  je suis restée là, à contempler le ciel. Ne rêvons pas, il n’a rien d’étoilé ces dernières nuits. Peut-être que les astres sont bien là, mais je ne sais plus rien voir de beau. J’ai recommencé à fumer, ça aussi fait passer le temps, si tu savais. Oui tu le sais… Tu peux te moquer maintenant, de toutes ces fois où je te forçais à cette promesse, arrêter de fumer pour moi. Juste un chantage taquin assortie d’autres promesses, bien plus friponnes celles-là. J’ai regardé ma cigarette s’éteindre presque seule, comme emportée par le vent du soir, un doux zef qui me caressait le visage. Je pensais à ta main sur ma joue, plus douce encore que la plus douce brise.  Dis-moi, vas-tu revenir ? Je pense à des choses stupides. Je pense à laisser un jour cette cigarette consumer le jardin, l’olivier avec, tout bruler, mes souvenirs aussi, ton sourire, ton image, cette peine sourde qui vrille mon cœur inlassablement. Tout consumer, dans un incendie général qu’aucun pompier ne saura éteindre, et me reposer enfin. Tu vois comme je deviens idiote loin de toi ? Alors reviens…

Hier soir je me suis demandée sous l’olivier, comment aborder cette nouvelle semaine, ce nouveau mois, sans toi. Ce nouveau moi sans toi. Je fais des projets, aussi vide de sens que propre à remplir mon temps. Je cherche quelque chose qui mette fin à la douleur… Voir Venise et mourir… Tu sais que j’ai sérieusement songé à jeter un œil à la lagune, à monter dans une gondole au pont des soupirs, pour voir si j’y exhalerais le dernier. Je n’ai pas ce courage.  Quitter le jardin est au-dessus de mes forces. Alors je me cherche de nouvelles obsessions (rappelle toi que je ne suis pas folle, mon ange, juste vide…). J’accumule les livres, les journaux. Je me suis prise de passion pour la cuisine. Je feuillète des livres de recette avec de jolies photos, je regarde ces jolis gâteaux que je ne ferais jamais. Je préfère me moquer des noms ridicules dont on les affuble. Je ne suis pas femme à cuisiner des cupcakes ou des whoopies. Je me moque et je suis toujours aussi vide. Tu sais, parfois, je me dis que je m’invente tout ça, la douleur, la peine, l’obstination. Tout n’est que le produit de ma volonté : pourquoi je ne décide pas que ce n’est pas moi ?

Hier soir, je me suis endormie sous l’olivier du jardin, mon cœur encore une fois piétiné par mes pensées. Je me suis endormie pourtant heureuse, parce que tu restes dans mon ciel étoilé, en mire de ma vie.

Je crois que je t’aime encore.

 

 

Une petite participation au jeu de Livvy. Mots à placer : olivier – gondole – abonnement – euphémisme – pompier – friponne – changement – fumer – vie – migraine – whoopies

 

13:30 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (3) | |  Facebook |

24/06/2011

Cacopédie

J’ai retrouvé mes nuits. En totalité. Le tunnel sombre et vide. La nuit passée à t’attendre. Les yeux secs et le cœur froid. Je sais parfaitement détruire ce qui me comble. Je sais parfaitement regarder ma main détruire le château de carte de ma vie.  Ce n’est que l’anticipation, je sais voir plus loin que cet instant de rire et d’amour avec toi.  Je sais que rien ne m’appartient pour longtemps.  La perte est comprise dans le cadeau.

Je t’inscris dans ma vie, dans les petits détails les plus insignifiants, les plus importants.  Tu es un carnet bleu marine, rempli de tes mots, de ton amour. Tu es un carnet orange, où se lisent mes caprices les plus enfantins. Tu es un carnet jaune, où se cache le désir le plus fort qui nous réunit. Tu écris chaque ligne de ma vie, comme le plus beau des présages. Un présent pour durer. 

Je n’ai peur que d’une chose : que ça cesse, que ça change. Je te jette des sorts de loin.  Je te cajole et te charme. Ma voix se fait évocatrice, conspiratrice, fantasque ou fragile : je suis toutes celles que tu pourrais aimer.  Je t’ensorcèle et te charme pour ne pas perdre ma raison.  Et quand je crois t’avoir enfin, quand je crois être le centre de ta vie, je me rappelle que tu n’es pas homme à te laisser prendre. Même en photo.

J’ai retrouvé mes nuits, peuplées de mots. J’ai repris mes carnets et je note chaque instant avant qu’il ne s’efface. Ma mémoire me jouera des tours quand tu seras parti. En un froissement d’humeur, je sens que tu peux disparaître, t’évanouir comme la fumée, impalpable…

Je n’aime que les débuts, qu’ils durent toujours, comme nos amours, idéalisés… Je voudrais être encore N. pour toi, un début intrigant et prometteur. Tu te rappelles André Breton ? «« Nadja, parce qu’en russe c’est le commencement du mot espérance, et parce que ce n’en est que le commencement. » 

Je veux être le commencement de ta vie, comme tu as été le mien. Rien n’existe avant ça.

Seras-tu autre chose que des mots alignés dans des carnets de toutes les couleurs ?

10:04 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook |

08/04/2010

Au réveil

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Tu vas te réveiller d'un instant à l'autre, en attendant je te regarde dormir.

J'aime ces matins dès avant l'aube. Je peux t'observer sans que tu le saches, ou alors tu n'en montre rien.

Je me pose toujours la question de ton mystère. Qui es-tu ? Tu ne me le dit pas. Je connais ton nom, ton prénom, ton adresse, je dors presque chaque soir auprès de toi. Nous parlons de tout, de rien, d'art de philosophie et de chansons sucrées. Tu te moques de mon goût pour les mièvreries, pour les objets délicats et fragiles. Tu t'amuses d'un rien, de mes gestes maladroits ou d'une bouderie passagère. Mais je ne sais rien de toi, tellement tu es transparent : est-ce possible qu'un homme ne soit que ce qu'il dit être ?

Je te regarde dormir et j'essaie de deviner tes pensées, tes envies.

Tu semble parfois perdu dans un gouffre sans fond, mais toujours un sourire narquois vers moi. Je te sauve dis-tu. Mais de quoi ?

Tu ne dis jamais rien de grave ; n'y avait rien avant nous qu'une vie simple et compliquée, la vie. Et tu t'amuses d'un rien, de me voir trébucher sur une allitération à la lecture, de mes envies sans cesse changeante. Tu t'amuses de ce que je t'épuise.

Cela te sauve me dis-tu, mais de quoi ?

J'aime faire l'enfant avec toi, te chercher noise pour voir ce qui te peine et te chagrine, car je ne sais rien de toi. Mais jamais tu ne te découvres, au contraire, tu nous enveloppes d'un immense manteau d'indulgence, et tu pardonnes, tu ne veux voir que le bon chez moi, quand je cherche indéfiniment ce qu'il y aurait de sombre en toi.

Pourquoi ne pas se satisfaire de cette tranquillité, de ces amusements et de l'attraction fatale qui nous lie ? Je te veux tout à moi tu dis que tu l'es que tu es une faible proie entre mes mains, pourtant je sens cette cage encore qui te protège, mais de quoi ? Tu ne le dis jamais.

Je te regarde dormir et j'ai peur de n'être qu'une diversion à ta vie profonde. Une diversion aimée, choyée, peut-être même pour le reste de ma vie, mais une diversion.

Je te regarde et je t'aime parce que tu ne me dis pas tout. Je t'aime pour ce mystère qui n'en n'est peut-être pas un.

Qui sait ?

 

06:05 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (3) | |  Facebook |

22/03/2010

Qu'aurais-je pu faire ?

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Elle relève ses cheveux, dans un geste habituel. Lui s'en va sans un mot. La nuit passée n'avait servi qu'à clore un chapitre.

Parler des heures était le seul acte qui les rapprochait encore. Ils avaient un besoin pressant l'un de l'autre, mais une muraille fine, si fine, les séparait pourtant.

Appeler cela de l'orgueil, ou de la bêtise, peu importait maintenant. Se cabrer à chaque mot non consentis, se draper dans une volonté que rien ni personne n'offensait, tour cela usait et finissait par émousser la meilleure des patiences.

Les vagues de disputes laissaient la place à la plus grande affection et au désir. Mais ce petit jeu (indépendant de leur volonté ?) n'assurait aucune tranquillité d'esprit. Elle, voyait dans chacune de ses remarques comme un jugement, une critique, un début de bataille à gagner. Lui, sentait qu'elle n'était qu'insoumission et révolte, il la voulait docilement amoureuse, naïvement admirative ; mais pourtant c'était bien cette insoumission désordonnée qu'il aimait par-dessus tout. Après tout la gloire est plus grande à soumettre un animal sauvage qu'une innocente biche...

Mais à l'enthousiasme succédait la peur. La tranquillité n'était jamais invitée entre eux. Comment dès lors se laisser aller à relâcher la surveillance l'un de l'autre. Prisonnier chacun de leur orgueil et de leur désir, l'épuisement les guettait. Bien sûr il arrivait parfois que la tendresse gagne le jeu, et ils se sentaient lors en confiance, indispensable l'un à l'autre, amoureux presque. La simplicité et la transparence qui manquaient à leur relation trouvaient à se glisser incidemment, apportant ainsi un repos à ces cœurs  trop fiers.

Mais cela ne durait pas. C'était un combat incessant. Elle voulait avoir raison, il voulait avoir le dessus. Se jeter l'un sur l'autre pour clore un débat sans fin était un jeu qui finissait par perdre de son intérêt. Autre chose occupait leur esprit. Elle savait ce qui la menaçait : l'amour tranquille, la présence de l'autre devenue nécessaire, son rire qui lui perçait le cœur, son indifférence parfois qui lui déchirait les entrailles. Elle reconnaissait tout cela. Elle se voyait petite fille, relisant sans cesse Gigi le roman de Colette. Elle se voyait dans la même impasse. Elle ne supportait plus qu'il lui parle de sa vie ailleurs, mais elle avait peur de trop lui demander et de le perdre ensuite. Elle aimait cette éternelle dispute amoureuse qui les liait par la même peur de ne plus s'appartenir totalement.

Lui, il voyait bien qu'il s'opérait un changement en elle. Mais il ne pouvait l'aider : la même crainte le paralysait. La tranquille quiétude de l'amour partagé avec elle l'angoissait. Cette alchimie qu'ils connaissaient, la retrouveront-ils avec la paix toute simple du couple ?

Ni l'un ni l'autre ne savaient. Mais parler les rassurait. Il y avait comme une panique sourde qui s'emparait d'eux : l'idée de baisser la garde définitivement, de se laisser sans autre arme que leur envie l'un de l'autre. Quelle drôle de crainte pour deux cœurs qui s'aiment se disait-il. Mais aimer c'est abdiquer son bonheur, le remettre entre les mains du hasard.

Allaient-ils l'un et l'autre jouer avec le hasard ?

 

01:14 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | |  Facebook |

20/01/2010

The end of the world


Il la regardait depuis un moment, probablement son visage lui rappelait la photo qui jaunissait dans son portefeuille. Elle n'avait rien de particulier, une jeune femme en robe noire toute simple.

Mais elle lui ressemblait.

Il reprit le cours de ses pensées. Il y avait des fleurs dans la pièce, tout du long du mur, sur un vieux buffet bas. Des vases, des soliflores, des coupes tarabiscotées, le tout envahis de fleurs. Elle les arrangeait sans recherche, juste avec la volonté d'avoir le plus de couleurs possible. De temps en temps, elle rabattait une mèche de ses cheveux bruns, essuyait de la main une goutte de transpiration qui venait mourir sur son front. Elle lui tournait le dos, mais se retournait souvent vers lui, d'un sourire. Pour quémander son avis ? Vérifier qu'il était encore là ? Ou juste pour le regarder.

Je l'aime, se dit-il. Une boule se formait dans son ventre à cette idée.

Elle le regardait à nouveau, toujours sans parler, juste ce sourire qui lui vrillait le cœur.

Il s'approcha d'elle et lui entoura la taille de ses bras. Elle continuait de disposer ses fleurs, lui déposant juste un baiser sur la joue.

Cet instant semblait durer une éternité : il la serrait contre lui, ses mains à elle caressant la tige des fleurs, le col des vases, une moue interrogative sur sa bouche. Il la voulait, la désirait, la réclamait. Il ne s'agissait plus d'amour ou de sexe, ça devenait vital. Il se serra plus fort contre elle, posant sa tête au creux de son épaule, un peu effrayé, mais par quoi ?

Il perd la mire de sa vie, tout tourbillonne dans sa tête. Il ne sait plus que parler à elle, à ses yeux qui le soignent. Elle seule brille  comme un astre solitaire dans sa nuit.

The moving waters at their priestlike task

Of pure ablution round earth's human shores,

Or gazing on the new soft-fallen mask

Of snow upon the mountains and the moors ;

No -- yet still stedfast, still unchangeable,

Pillow'd upon my fair love's ripening breast,

To feel for ever its soft swell and fall,

Awake for ever in a sweet unrest,

Still, still to hear her tender-taken breath,

And so live ever -- or else swoon to death.


Etoile éclatante, puissais-je comme toi être figé -

Non pas dans une solitaire splendeur suspendue au dessus de la nuit,

Et guettant, éternellement séparé par des couvercles,

Tel un malade de la nature, un ermite sans sommeil,

Les eaux mouvantes toutes entières à leur prêche

Pour purifier par leur pure ablution les rives humaines tout autour de la terre,

Ou fixant le masque nouvellement et doucement tombé de la neige

Sur les montagnes et les landes;

Non - pas encore totalement figé, encore immuable,

Pelotonné sur la poitrine mûre de mon bel amour,

Pour ressentir à jamais son suave parfum et son automne,

À jamais éveillé en une douce agitation,

Immobile, immobile pour entendre son souffle arraché à la tendresse

Et ainsi vivre pour toujours - ou sinon me pâmer dans la mort.


Ce poème de Keats qu'elle lui racontait au début, lui revenait en tête. Elle ne récitait pas, elle lui racontait, comme une histoire passée qui ne demandait qu'à revivre. Il était cet ermite sans sommeil, perdue dans le désert. Il courrait en vain vers n'importe quoi, cherchant juste à sentir son cœur battre de plus en plus fort, preuve qu'il n'était pas vraiment mort. Elle brillait dans sa nuit comme une chance, le signal qu'il était temps de reprendre son souffle, de respirer doucement.

La voix de Nancy Sinatra envahit la pièce

Elle se retourna soudain :

-J'ai terminé. C'est n'importe quoi ce champs de fleurs, mais je l'aime comme ça. Et toi ?

-Il est bordélique, comme toi.

Elle redevenait réelle, une femme comme les autres. Non. Mieux, plus simple à comprendre, plus légère, et si grave parfois dans son regard.

Il lui prit la main pour la conduire au milieu de la pièce. La voix de Nancy les berçait. Il repensa encore à cette photo jaunie, qui dormait dans son portefeuille. Ce soir, enfin, il pourrait la regarder pour la dernière fois

 

14:10 Écrit par Océane dans Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | |  Facebook |